mardi 11 septembre 2012

Rencontre avec Jean Boggio : Monologue Processus de Création


Cette rencontre a eu lieu, à l'occasion du salon Maison & Objet 2012 (son portfolio ici). Situé dans le hall 7, son stand se distingue de loin, de tous les autres, tant son oeuvre est créative et poétique. C'est en cela, qu'une rencontre avec l'artiste était nécessaire, afin de se faire expliquer son processus de création.
Jean Boggio commence donc, avec ces mots : "Depuis 5 ans maintenant, je travaille sur une Chine revisitée avec mes cités interdites, le palais d'été... d'où les noms de mes collections qui sont évocateurs. Alors cette année, j'ai fait la route inverse, j'ai procédé à un retour vers l'Europe.
C'est un peu une route de la soie, pour ramener de ces 5 années de création, au pays d'où je viens : la France.

Dès l'entrée principale du stand, j'ai procédé à un hommage à la ville dans laquelle je vie : Lyon. J'ai fait un paysage de soie, comme un gygantesque foulard Hermès, en collaboration avec Bianchini Ferier et Cédric Brochier.


le pays des 12 fontaines

J'ai choisi Bianchini Ferier pour une bonne raison, c'est qu'il est le soyeux qui travaillait avec Raoul Dufy. Avec lui, de la peinture on rentrait dans l'art décoratif, et dans la mode, et c'est en quelque sorte mon voeu pieux.
En effet, on accepte de tous les grands  créateurs de mode, que ce soit Versace, Armani, Lacroix et autres qui fassent de la mode , puis de l'art de la table , de l'art de vivre et voire même des hôtels. Or moi, j'arrive en tant que joyaux orfèvres et je raconte un univers global qui peut rentrer dans la mode. C'est pourquoi j'ai choisi ce tulle de soie, qui donne l'esprit haute couture, que j'appellerais le "french Touch", mais avec un nouveau décor. Je suis pas parti sur les palmiers ou l'impression Chine,(j'avais déjà  travaillé la soie, avec Cédric Brochier et Bianchini sur l'impression Chine, il y a 2 ans), mais sur une promenade dans les montagnes du Tibet et du Radjastan, avec  des arbres et des fontaines. J'ai appelé çà, le pays des 12 fontaines
- Ma Madeleine de Proust : Quand je suis allé en Chine, j'ai trouvé dans le magazine air France, une grande cascade avec des arbres, très jolie, c'était un paysage du Tibet. Sorti de l'avion, j'ai dessiné a main levé mes 12 fontaines.

A la fin de mes ébauches, j'ai fait 3 vases ovoïdes comme des galets pour leur donner une  modernité et je les ai appelé luxe, calme et volupté  en référence à Beaudelaire dans l'invitation au voyage.
luxe, calme et volupté

Il y a plein de codes cabalistiques.
A chaque fois par exemple, je travaille toujours sur 3 points : le passé, le présent et le futur. C'est pourquoi sur le stand il y a 3 entrées très différentes pour circuler   dans le stand de façon complètement différentes et ouvertes. et un choix sur des couleurs nouvelles. D'habitude, mes murs sont pratiquement dans la couleur flashie de mes objets, donc j'ai des murs rose, orange, bleu turquoise or là je suis parti dans des couleurs plus pastels, plus poudrés, plus spirituelles, comme l'améthiste et je l'ai associée à du bleu lavande, Nattier et du bleu fort. Se faisant je me suis référé aux couleurs européennes du grand goût français du XVIII ème ou autres. Ca décale complètement l'espace.

Troisième thème de mes collections : 


les chevaux du ciel 

J'avais encore jamais traité les chevaux. 
- Mon déclencheur d'émotion : Ce fut lors de l'invitation de Madame Wang à Taipei en janvier, dans une salle privée d'un grand hôtel que j'ai remarqué un tableau de Xu Beihong ou Jupéon, grand peintre Chinois spécialisé dans les chevaux, qui couvrait tout le mur, soit une horde de 1000 chevaux. Et là , un souvenir d'enfance refait surface : un vieux service de table Hermès de mon père, des années 50, dessiné par Jupéon. On pouvait y voir des chevaux. Je suis donc parti de cela, et pour légétimer mon travail, j'ai dessiné cette toile de 3 mètres. Je suis tout sauf un designer, je me revendique en tant qu'artisan, je me considère comme tel, et non pas un artiste, le savoir de la main est très important. Cette collection s'avère être un succès à l'international.


12 signes du zodiaque Chinois

Pour faire un clin d'oeil à la Chine, j'ai fait les 12 signes du zodiaque Chinois en les rendant très pop art et pas Chinois, mais en gardant la forme de la tasse à thé classique Chinoise.

Ensuite, est venu le service grenade, avec des grenades dans les poudrés bleu. Je l'ai joué comme un blush et d'autres, dans des
 poudrés comme les boîtes à poudre de Guerlain. Je les ai aussi travaillées dans des vert et noir, et dans des corail, vert et ivoire. Je suis allé jusqu'à l'or brillant et l'or mat. On est dans un principe de robes, couleur soleil et couleur de lune, de Peau d'Ane.
le service grenade

On trouve un décalage, par rapport à la volonté des gens qui nous parlent de design : le Corbusier, Liliane Gray et autres. En effet, ces derniers disent faire des choses qui appartiennent aux années néo-fifty, néo-seventy, alors que  ça relève du Ecart international, revisité en permanence. 
Moi j'ai essayé de refaire un monologue Jean Boggio, dans lequel je raconte mes rêves, mes fantasmes, car sans rêve, il n'y a pas de création. 
Ainsi, pour le rêve d'Orient, ou la route de la soie inversée, j'ai traité l'éléphant et ce, comme une  parade en Inde , on a un côté Taj Mahal, mais sans le côté India. C'est toujours ma façon de travailler : je mélange les références culturelles en prenant soin de mélanger également les époques. 
Exemple : je prends un bleu Nattier ou un bleu Marie-Antoinette, pour des assiettes et il en devient moderne du fait que l'on retrouve ce bleu sur les murs et le plafond. Cela crée une distorsion de l'image : du rêve réaliste que les gens peuvent s'approprier. 

Dans la même idée, mes personnages n'ont jamais de visage, ce qui permet une ouverture, on passe à travers le miroir, on est dans un univers à la Cocteau, mais sans être dans le livre blanc. 
Il y a une évocation, qui au premier abord, est figuratif, donc qui pourrait être enfantine, dans la façon d'utiliser les couleurs, de scéno-graphier. Mais il y a un amuse bouche, c'est tout sauf pornographique, c'est de l'érotisme. 
Mon travail est psychédélique, avec les éléphants et les singes de partout, cela amuse les gens parce qu'il y a plusieurs "entrées". D'où un stand très ouvert avec ces 3 entrées. 
Je ne crée pas d'objet pour un marché, je raconte des histoires, le rêve est ma seule liberté." 









Remerciements à Jean Boggio qui s'est livré à
moi, ouvertement, avec passion, sur son oeuvre en mouvement, l'évolution de son travail. Merci Mr l'artisan !!!

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